Par DIOONER - "Le trompettiste américain Jon Hassell décrivait àla fin des années 70 sa musique comme de la "Fourth World Music", la musique du quart-monde. Ce collaborateur de Brian Eno envisageait en effet la musique comme étant avant tout une construction mentale ; ainsi, pour l'esprit, comme autant de paysages sonores, de voyages spirituels et de chevauchées aventurières, des années avant que Peter Gabriel ne popularise le concept plus "concret", plus terre-à-terre, de World Music.

Pour le français Koudlam, Gwenhael Navarro de son vrai nom, cette idée de "musique du quart-monde" n'est pas un vain mot, et sa concrétisation est àmille lieux d'une idéologie lénifiante de type New Age. Après deux disques relativement confidentiels ("Nowhere" en 2006 et "Live At Teotihuacan" en 2008), il nous livre avec "Goodbye", sorti sur l'excellent label Pan European de cet autre brillant musicien français Romain Turzi, son premier véritable album, plus professionnellement distribué on l'espère (comme il se doit) àdestination d'un large public. Les influences identifiables une par une y sont si nombreuses mais si parfaitement digérées qu'on a affaire àquelque chose qui, au final, ne ressemble àrien d'autre qu'àdu Koudlam.

Derrière l'écrin synthétique d'une boîte àrythmes martiale, àla croisée des musiques traditionnelles d'Amérique du Sud, de la new wave anglaise des années Thatcher et de la techno clubbesque la plus stimulante, la palette sonore de ce disque est carrément hallucinante : des violons anxiogènes du quasi-tube "See You All" (repris du précédent disque et utilisé avec maestria par Jacques Audiard dans son récent film "Un Prophète"), où un chant éthylique àla Shane McGowan (des Pogues) s'entremèle àun pied house des plus efficaces, en passant par un hommage très rock àpeine voilé aux anglais visionnaires de Public Image Limited ("Love Song"), de tourbillons de flûtes ensorcelantes en nappes de claviers par moments implacables et àd'autres contemplatifs, l'ensemble distille une atmosphère d'hypnose sidérante derrière un habillage musical dont la pertinence épate àchaque nouvelle écoute. Les titres plus intimistes de la fin du disque ("Goodbye" ou "Wave Of Mutilation" qui, contrairement àce que son titre suggère, n'est PAS une reprise des Pixies) évoquent àla perfection la sensation d'abandon que peut éprouver l'individu type du 21ème siècle, perdu dans une masse d'informations sonores étouffantes qui le dépassent jusqu'àl'indifférence.

Koudlam réussit haut la main le pari d'inventer avec "Goodbye" non pas une nouvelle musique du monde, ni mème la musique du nouveau monde ou d'un monde imaginaire, comme tant de fabricants de rèves trip-hop ou ambient, mais nous livre àla fois la symphonie de son monde intime ET, dans le fracas post-moderniste de la mondialisation, un repère, une référence de la musique en tant que monde en soi, qu'on espère suivi par beaucoup d'autres àl'avenir. Un peu comme le monolithe noir de la connaissance dans le film de Stanley Kubrick.

Une oeuvre radicale àla fois sombre dans son propos et lumineuse dans son impact, touchante juste que dans ses quelques (très rares) maladresses, et àlaquelle on souhaite un grand succès au-delàd'un cercle d'initiés avertis."

A la suite le clip violent de See you all !